Réforme de la fiscalité des intercommunales – le Gouvernement Michel Ier veut taxer les hôpitaux publics wallons !

Le projet de loi-programme déposé ce lundi au Parlement par le nouveau gouvernement fédéral crée un certain émoi dans le secteur public des soins de santé.

Au motif de restaurer une égalité fiscale entre les sociétés commerciales et les intercommunales qui leur seraient concurrentes, en les soumettant toutes à l’impôt des sociétés, le nouveau gouvernement semble oublier les intercommunales qui gèrent des services qui relèvent du non marchand : hôpitaux publics, soins aux personnes âgées, …

Pour rappel, la grande majorité des hôpitaux publics sont organisés, en Région wallonne, sous la forme d’intercommunales (17 sur 23 hôpitaux publics), de même que des maisons de repos, des maisons de repos et de soins etc.. Elles sont jusqu’à aujourd’hui soumises à l’impôt des personnes morales, comme les hôpitaux du secteur « privé » et Maisons de repos (et de soins) non commerciales (institués en asbl).

L’accord de Gouvernement de faire relever les intercommunales de l’Impôt des Sociétés avait déjà créé une inquiétude auprès des hôpitaux et des institutions qui prennent en charge les personnes âgées, mais l’intention affirmée alors dans les messages politiques que le secteur non marchand ne serait pas visé avait rassuré tout le monde. Ainsi, la notification budgétaire 2015-2019 du Conseil des Ministres du 15 octobre 2014 prévoyait explicitement que « Les intercommunales qui clôturent l’exercice comptable au plus tôt le 1er juillet 2015 seront assujetties à l’impôt des sociétés. A cet effet, il convient d’adapter notamment l’article 180, 1°, CIR 92. Ceci à l’exception du secteur non marchand qui, conformément à l’article 220, 2° et 3°, CIR, est assujetti à l’impôt des personnes morales»

Il faut savoir que les intercommunales hospitalières (et de soins aux personnes âgées) wallonnes sont érigée sous la forme juridique de Société Coopérative à Responsabilité Limitée, forme juridique pour laquelle il y a une présomption irréfragable de soumission à l’impôt des sociétés (sauf disposition spécifique du CIR 92, comme l’actuel article 180, 1°).

Nous en supposions donc que les modifications légales (du CIR 92) allaient sans aucun doute prévoir (via par exemple une adaptation de l’article 180, 1°) une exonération spécifique pour les intercommunales gérant les hôpitaux, les maisons de repos, etc.

Santhea, qui représente notamment ces structures publiques en Wallonie, a tout de même fait jouer ses relais vers les cabinets fraîchement composés, que ce soit chez le Premier ou aux Finances.

Mais la lecture du projet de loi, qui vient d’être déposé, laisse perplexe : rien n’est prévu !

Deux conclusions possibles :

  • soit la nouvelle majorité n’a pas vu le problème, ce qui pose question, mais pourrait s’expliquer vu le manque de temps et les aléas des mises en place des cabinets,
  • soit elle considère que les hôpitaux et MR, MRS publiques doivent être soumises à l’impôt des sociétés, car ils ne relèvent pas du non marchand… Ce qui serait un non sens, mais qui plus est créerait ce que la réforme fiscale annonce supprimer : une (double) discrimination fiscale ! En effet, les hôpitaux et MR, MRS sous statut privé, en asbl, et les hôpitaux publics flamands ( !) resteront soumis au régime plus favorable de l’IPM, tandis que les hôpitaux publics wallons sous statut d’intercommunale basculeraient vers l’ISOC et seraient plus lourdement taxées… il y aurait distorsion de concurrence, à n’en point douter.

A moins qu’il ne s’agisse de pousser les hôpitaux et MRS publiques à adopter la forme privée de l’asbl ? Au-delà de l’impact important sur les finances de ces structures, il y aurait là un geste symbolique, celui d’une volonté de la droite de la privatisation de l’offre de soins publique.

Avant toute forme d’attaque, Santhea préfère miser sur le bon sens… et demande au Gouvernement de clarifier son intention réelle. S’il s’agit bien d’exonérer le non marchand, alors les experts du SPF Finances doivent examiner le texte et prévoir une dérogation spécifique pour les intercommunales du non marchand (en introduisant une exception explicite via, par exemple un nouvel article 180, 1°).

Santhea en appelle aussi à la nouvelle Ministre de la Santé, Maggie De Block, qui se présente comme ouverte et au-dessus des clivages. Maintenir le texte en l’état, c’est un message politique plus que douteux, tant vers les gestionnaires (parmi lesquels on retrouve des mandataires des diverses formations politiques, droite, centre, gauche) que vers les patients.

A moins que le gouvernement ne garde un lapin dans son chapeau (un amendement de la majorité), mais si tel est le cas, il est grand temps de le sortir…